Into the Labyrinth

Je me suis réveillé en sursaut, les premières lueurs du matin s’infiltrant à travers les rideaux. Ma première pensée a été : “Comment me suis-je retrouvé à Paris, à enquêter sur un meurtre non résolu vieux de 25 ans ? Le karma, la folie, ou les deux. Quoi qu’il en soit, il n’y avait pratiquement aucune chance de découvrir qui avait tué Mario Bachand ce jour-là, le 29 mars 1971, au 46 rue Eugène-Lumeau, dans la banlieue parisienne de Saint-Ouen. Et si par miracle je devais découvrir qui était l’homme et la femme qui l’avaient tué, ils étaient là, quelque part. Des terroristes, ou quelque chose de plus occulte auquel je ne voulais pas trop penser, ils ne seraient pas heureux que je sois sur leur piste.

Début de l’enquête

Toute enquête a un début. Un moment avant, un moment après, et ce mystérieux moment entre les deux. Comme ce moment mystérieux était innocent, après avoir tourné la page d’un document aux Archives nationales du Canada. Il a parlé de trois rencontres. Il s’agissait d’abord du ministre responsable de la GRC, le solliciteur général Jean-Pierre Goyer, du directeur général du service de sécurité de la GRC, John Starnes, et du solliciteur général adjoint, Ernest Côté. La deuxième, entre Goyer et le premier ministre Pierre Trudeau ; La troisième, entre Goyer, Starnes et le commissionnaire de la GRC, William Higgitt. Le sujet des rencontres n’a pas été donné, mais d’après la formulation du témoignage de Starnes, elles concernaient une menace pour la sécurité à l’extérieur du Canada, du Front de Libération du Québec, le FLQ. Les dates des rencontres ? Les 24 et 26 mars 1971.

“Je me suis demandé à quoi servaient ces réunions. L’événement terroriste qui avait secoué le Canada – les enlèvements du diplomate britannique James Cross et du ministre québécois Pierre Laporte, ainsi que l’assassinat de Laporte – avait pris fin des mois plus tôt. James Cross était rentré en Grande-Bretagne. Le corps de Pierre Laporte, qui avait été étranglé à mort par ses ravisseurs du FLQ, se trouvait sur sa dernière demeure, dans le cimetière sur les pentes du Mont Royal, surplombant Montréal. Le meurtre de Laporte a tellement horrifié le public québécois que tout soutien restant au FLQ a disparu d’un seul coup.

La menace

Que se passait-il fin mars 1971, à l’étranger, qui pouvait être lié à une menace pour la sécurité provenant d’un FLQ moribond ?

Une chose qui se passait était la visite du premier ministre du Québec Robert Bourassa dans plusieurs pays européens, dont la Grande-Bretagne, l’Italie, la Belgique… et la France.  Robert Bourassa avait été menacé à plusieurs reprises par le FLQ. En particulier, par Mario Bachand, et par un groupe de felquistes à Alger qui s’appelait la Délégation Extérieure du FLQ (DEFLQ). Y a-t-il un lien entre le meurtre de Bachand et le DEFLQ ?

Les comptes-rendus des journaux sur le meurtre de Mario Bachand suggèrent que le FLQ a développé une hostilité contre Bachand en raison de sa personnalité et de son intransigeance. Les récits remontent à plusieurs mois, jusqu’en décembre 1970. Ils étaient liés au DEFLQ.

“Nous verrons cela”, me suis-je dit.

Un plan de recherche

J’ai élaboré un plan de recherche. Tout d’abord, je lirais toute la littérature que je pourrais trouver sur le FLQ, Mario Bachand, et les événements et personnalités qui y sont liés. Ensuite, je demanderais le dossier de la GRC sur Mario Bachand en vertu de la loi canadienne sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AtIP). La GRC aurait certainement des informations importantes sur le meurtre de Mario Bachand. Je choisirais les noms des agents de la GRC et des fonctionnaires canadiens et québécois, les localiserais et les approcherais pour les interroger. Je prendrais tous les faits et les inscrirais dans une chronologie, que j’analyserais pour savoir qui a fait quoi à qui. Y compris qui avait rendu visite à Mario Bachand ce jour-là à Paris, et l’avait abattu.

J’envisageais la chronologie et les informations en général comme un très grand champ de signes que je scannerais et interpréterais.

J’étais sûr que les responsables du meurtre de Bachand avaient déformé les faits, et avaient caché d’autres faits, et que quelque part, d’une manière ou d’une autre, ils avaient commis une erreur. Je trouverais cette erreur, et un nom.